Trollhunter : la chasse est ouverte

Parfois dans la vie, on s’assoit tranquillement pour écouter un film, sans trop savoir à quoi s’attendre. Et parfois, on en ressort agréablement surpris. C’est l’expérience que beaucoup s’entendent d’avoir vécu en regardant le film Trollhunter (2011). Récipiendaire de plusieurs prix et perçu comme « un nouveau classique » à sa sortie, il s’agit du deuxième film du réalisateur norvégien André Øvredal. En plus d’être une œuvre de qualité, je crois aussi que le film peut s’inscrire dans la définition du cinéma thermite.

Trollhunter se déroule en Norvège. Il met en scène un groupe d’étudiants universitaires, Thomas, Johanna et Kalle qui partent à la réalisation d’un documentaire sur des évènements mystérieux en région éloigné du pays. En effet, de multiples ours semblent avoir été tués, bien que le braconnage de ceux-ci soit illégal. En arrivant sur la place du plus récent incident, ils rencontrent deux chasseurs qui partagent leur inquiétude, notamment à propos des traces laissées. Ils se font interrompre par Finn, le président de la conservation de l’environnement local, qui les invite respectueusement de partir sans poser de questions. Selon n’empêche pas le groupe de demander à Hans, un des chasseurs, une entrevue. Il se montre très peu réceptif, mais étant donné qu’il est suspect, ils décident de le suivre à son insu. La situation se complique quand la nuit tombe avec des évènements étranges, ils retrouvent leur voiture complètement démolie et Hans, après les sauver, leur apprend que son vrai travail est en fait de chasser des trolls et couvrir le tout avec le gouvernement. Le groupe d’étudiants ont beaucoup de difficultés à le croire et pensent qu’ils sont aux prises avec un fou. Ils demandent malgré tout à Hans de faire partie du documentaire, et il accepte, à condition qu’ils suivent à la lettre tous ses instructions. C’est ainsi qu’ils se retrouvent à documenter l’existence des trolls, en compagnie du chasseur et ses techniques insolites.

Le film est un mélange de genres, soient drame, fantaisie et horreur. Ce qui en fait sa particularité, c’est son contenu. Il est filmé à la main, ou plutôt dit « found footage », mais aussi et surtout comme un mockumentary (faux documentaire). Il présente à la fois un certain humour noir ainsi qu’une satire politique. Plusieurs séquences sont filmées dans la nuit en vision nocturne, sans se gêner de vouloir parodier The Blair Witch Project. Il y a même une partie du film qui est filmée avec une lentille complètement brisée, laissant de grandes éraflures à l’écran. Le film se moque d’une certaine façon des trolls, qui sont des créatures populaires dans la mythologie norvégienne. Le thème ridicule de « ils peuvent sentir le sang des chrétiens » revient souvent, même à coûter la vie de certains personnages. Bien qu’un fond comédique soit présent, cela n’empêche pas le film d’avoir des séquences à haute tension et des éléments d’horreur. Cela dû en partie aux effets spéciaux, réalisés par trois studios différents, qui pour l’époque et le petit budget, sont très bien faits et tiennent encore de la crédibilité de nos jours. Les brefs aperçus des monstres, de leurs attaques et surtout de leur taille immense crée un stress impressionnant. Le spectateur se retrouve aussi curieux que les étudiants du film à en voir autant qu’ils veulent (ou peuvent). Entremêlé avec une liste de péripéties et une histoire intéressante, le tout garde sa magie. Le dialogue du script a été laissé ouvert le plus possible, laissant aux acteurs beaucoup de manœuvre pour improviser, donnant une réaction authentique aux évènements ridicules et terrifiants qui se déroulent.

Il existe plusieurs films, et plusieurs façons d’en faire. Manny Farber, peintre et critique américain, a partagé en 1962 avec son essai « White elephant Art vs Thermite Art » son opinion ainsi qu’une description renommée sur la culture du cinéma. Il oppose deux catégories de films qui s’approchent différemment de l’art. La moins intéressante, selon lui est éléphant blanc. Trop planifié, trop moulé. L’art thermite quant à elle se veut plus comme une recherche, une envie de pousser les limites et conditions qu’une création se donne. On a qu’à penser à Midsommar d’Ari Aster, film d’horreur tourné en plein jour pour déjouer les conventions des films d’horreur. Et c’est pour cela que Trollhunter, fait partie de cette catégorie. Il s’agit d’un projet de passion. Le film est peu conventionnel. Avec le style found footage, mais aussi ses techniques employées, on observe facilement son charme en le visionnant. Cette envie de faire un film sur la mythologie des trolls, avec une grandeur « hollywoodienne » mais sans les moyens, est un défi qu’André Øvredal s’est donné et à relever. Avec un jeu d’acteurs convaincants et des séquences impressionnantes autant que drôles quand nécessaire, des références clins d’œil à des films comme Jurassic Park et The Blair Witch Project, passant même à insérer un extrait réel de conférence de presse pour ajouter de la crédibilité au récit, le film tire le maximum de son potentiel pour créer un spectacle sordide et unique.

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