Manny Farber est un peintre, écrivain aussi connu pour ses critiques de cinéma, considéré même comme le meilleur, ayant travaillé pour de grandes revues telles que The New Republic, The Nation, Time Magazine, The New Leader et autres. En 1962, il obtient une certaine reconnaissance grâce à son texte « l’art termite vs l’art éléphant blanc » dans lequel il exprime sa préférence pour les films plus « underground », face aux géants du cinéma. Il est un des premiers défenseurs de réalisateurs comme Howard Hawks, Rainer Werner Fassbinder ou encore Andy Warhol. Dans son texte, Farber tente de définir le cinéma termite ainsi que les limites du cinéma éléphant blanc, mais laisse assez d’ambigüité pour que jusqu’à aujourd’hui ses définitions soit libres à interprétation. En lisant ce texte, un de mes récentes découvertes et coups de cœur m’est venu en tête : Aleksi de Barbara Vekaric, sorti en 2018, selon moi correspond à l’idéal termite, décrit par Manny Farber.

The experience of my generation, which takes a bit too long to grow up.
SXSW 2019 Women Directors: Meet Barbara Vekarić – “Aleksi”
Le film raconte l’histoire de Aleksi, une jeune femme de 28 ans qui, après avoir gradué de l’université, rentre dans sa ville natale en Croatie. Contrairement à sa voisine et amie d’enfance qui a une vie assez établie : des enfants, un marie, une maison, tout ce qu’une femme devrait avoir à leur âge selon les normes de la société, l’avenir de Aleksi est très incertain, elle reste donc avec ses parents en attendant d’avoir plus de clarté sur ce qu’elle veut et peut faire. Ses parents ainsi que leurs entourages lui mettent beaucoup de pression sur le dos pour qu’elle hérite de la vinerie familiale, mais cela ne l’intéresse pas, ce qu’elle veut réellement c’est allé en Allemagne pour poursuivre son rêve de devenir photographe professionnelle. Au lieu de confronter ses questions existentielles, elle fuit les responsabilités auxquelles elle doit répondre en agissant sur ses impulsions, la plupart du temps avec des hommes. Elle entretiendra une relation avec Christian, un touriste américain qu’elle rencontra au début du film, avec qui elle s’entendra bien pour leur intérêt commun pour la photographie. Toni un homme plus âgé qui lui fournira le luxe des sorti en bateau, des fêtes et des drogues cher. Cependant Goran sera l’homme qui lui impactera le plus, mais dont ses valeurs traditionnelles se mettra en chemin de leur relation, qui n’aboutira à rien. Aleksi nous montre la réalité vécu par beaucoup de personne du premier monde après leur étude qui sont perdu et ne savent pas quoi faire avec leur vie.

Ce film est tourné dans une ville qui tient à cœur la réalisatrice, une petite ville appelé Ore Beach proche de Dubronick, où ses parents avait une maison dans laquelle elle passait ses vacances quand elle était petite. Aleksi est d’ailleurs le premier film tourné dans cet emplacement et sera partiellement financé par des petits business locaux. L’équipe de tournage est principalement composée d’amis ou de connaissances. Avec un humble budget, la beauté du film vient vraiment de l’emplacement, que ce soient les plans de la mer, de la vinerie ou juste dès l’architectures, tout le long du film l’éclairage semble être naturel, le soleil frappe tellement fort on peut avoir l’impression qu’on est surexposé ce qui contribue à la beauté du film. La caméra est portée et suit notre protagoniste à travers ses mésaventures et ne cherche pas à faire plus que cela.

Ce film correspond à l’idéal Termite premièrement dans les intentions de la réalisatrice. Dans un interview lorsqu’on la demande quelle impression voudrait-elle laisser sur les spectateurs sa réponse est « Quel bon moment j’ai passé à regarder ce petit film ». En n’ayant aucune prétention de vouloir de son film un classique du cinéma moderne, Vekaric répond déjà aux attentes de Farber. Mais pour aller plus en profondeur dans le sujet, Aleksi est une reprise de la fiction d’apprentissage très populaire en Amérique. La fiction d’apprentissage ou le récit initiatique selon la définition de Wikipédia : « est un type de récit où l’on suit l’évolution du personnage, qui peut être positive ou négative, vers la compréhension du monde ou de lui-même » généralement ce genre de film est centré autour d’adolescent, pour représenter la transition à l’âge adulte, des films qui le représente serait probablement Lady Bird (2017) de Greta Gerwig, 16 Candles (1984) et pratiquement toute la filmographie de John Hughes. Le cinéma Termite est un cinéma qui veut dépasser les limites imposées, tout comme Midsommar d’Ari Aster, Barbara Vekaric prend un aspect important du genre et le retourne sur sa tête en nous présentant le récit initiatique d’une femme proche de la trentaine. Le cinéma termite est aussi un cinéma qui n’accorde pas autant d’importance à la continuité et c’est aussi un aspect présent dans Aleksi. En effet, le récit se concentre plus sur le moment que la globalité du film, plusieurs histoires secondaires ne sont pas résolues, comme les problèmes de mariage de Jana sont amis d’enfance, ou encore sa relation avec ses intérêts amoureux qui ne sont jamais résolus. Dans sa forme aussi l’attention au détail est présent, contrairement à d’autres films qui couperait les moments triviaux de la vie de la protagoniste du film, la réalisatrice nous la montre dans ses moments les plus triviaux, par exemple quand elle se sert la nourriture et tente d’ouvrir la porte avec ses pieds, ou juste quand elle se brosse les dents sous la douche, ce sont tout les deux des moments qui n’apporte pas grand-chose à l’histoire, mais qui ont été laissé dans la version finale du film. Je ne peux que vous invitez à vous former votre propre opinion sur le film qui à mes yeux répond parfaitement aux expectations termite de Manny Farber dans le fond et la forme, nous présentant une nouvelle approche au récit initiatique.
