Grave et le cinéma Termite.

Grave est une production franco-belge, sortie en 2017, issue de l’esprit fantasque d’une réalisatrice et scénariste française, et membre du collectif 50/50 : Julia Ducournau. Ce film raconte l’histoire de Justine, une jeune fille végétarienne de 16 ans, rentrant tout juste à l’école vétérinaire. Sa sœur Alexia est en deuxièmes années, et après une rentrée des plus sanglante, la première partie du bizutage des premières années commence. Cette dernière consiste à manger un morceau de viande crue, Justine étant végétarienne refuse, mais sa sœur va la pousser suggérant que cela est essentiel à son intégration. Justine va mal réagir à la viande et elle fera une soi-disant intoxication alimentaire. Le lendemain, elle se retrouve le corps couvert de marques rouges. Depuis cette journée, Justine se rend compte qu’elle meurt d’envie de manger de la viande et en particulier crue. Par la suite, Justine lors d’un accident d’épilation va par mégarde couper le doigt de sa sœur, et dans une folie soudaine déguste le doigt de sa propre sœur. Les deux sœurs vont se rendre sur le bord d’une route, créer un accident, et Alexia va manger le conducteur. À partir de cet instant, la folie cannibale de Justine va se révéler et dès lors elle va désirer son colocataire pendant leurs rapports sexuels.  En bref, Grave, nous raconte l’histoire d’une jeune fille complètement emprise de ses pulsions cannibales nouvelles, en pleine vie universitaire ou sexe et alcool sont de mise. Plus globalement c’est l’histoire d’une fille en découverte de soi, de son histoire familiale, et de ses pulsions.  

Ce film nous parait aux premiers abords, un drame tout ce qu’il y a de plus classique, mais, on se rend compte très rapidement que le drame va dériver vers l’horreur, choses rares pour le cinéma francophone. C’est un film de genre tout à fait assumer où la folie et la qualité d’écriture de la réalisatrice, choque et bouleverse le spectateur. Les scènes de mort, animal, et humaine s’enchainent et s’entremêlent avec des scènes de sexe et de fête d’une haute intensité, propre aux étudiants en médecine. Le film dans sa forme reste assez classique, il utilise le genre de façon allégorique. En effet, ici le cannibalisme est symbolique et relève plutôt de l’éveil de femme qui découvre son corps et ses pulsions. C’est un traitement de la sexualité que l’on retrouve rarement dans les drames francophones.

Pour Farber, Grave serait sans doute plus proche du cinéma éléphant blanc plutôt que termites. En effet même si sur la scène franco-belge, le cinéma de genre reste assez marginal, Grave malgré un scénario original, reste une histoire à la structure classique, où le symbolisme semble être d’une trop grande importance. Tout est stylisé, des cadavres d’animaux, aux soirées universitaires dévergondées, c’est une recherche de la perfection qui semble apparaitre aux spectateurs. Le cannibalisme ici, n’est qu’un outil pour mettre en image la difficulté d’une jeune femme de trouver sa place dans la société. Le bizutage comme rite initiatique et de transmission.

Comparons-le avec un autre film belge : C’est arrivé près de chez vous (Rémy Belvaux, André Bonzel, Benoît Poelvoorde, 1992). Le documentaire parodique mettant en scène une jeune équipe de cinéaste suivant un homme (ben), qui tue pour gagner sa vie. Le film est complètement déstructuré, les monologues absurdes de Benoit Poelvoorde, s’enchainent avec des scènes de meurtre, et de dissimilation de cadavre.  Le film est absolument termites, le personnage principal est un homme répugnant, qui se moque de tout le monde sans exception, qui tue, et qui viole, mais qui tout de même semble avoir du ressentiment, mais un ressentiment presque risible. C’est un film que j’aimerais appeler de bricolage, en effet il n’est fait qu’avec presque rien. Premier film de Poelvoorde, sa propre mère apparaît même dans le film croyant que cela était un vrai documentaire sur son fils. Aujourd’hui c’est un film culte, mais qui pour l’époque est une vraie révolution. Il se distingue à tous les niveaux, et ne se contente pas de nous raconter une histoire bien structurée. Grave à côté pâlirait presque de son manque de subvention.

Mon appréciation de Grave, est plus que positive, mais il n’est malheureusement pas assez termite.  

Analyse complémentaire :

Romain Blondeau, LeMonde, « Grave » : plongée en anthropophagie, 2017.

https://www.lemonde.fr/m-moyen-format/article/2017/03/20/grave-plongee-en-anthropophagie_5097699_4497271.html