Enter The Void ou la drogue douce

Le cinéma termite, est un genre qui fait encore parler aujourd’hui dont plusieurs grands réalisateurs s’en associe, on repense d’ailleurs à Lars Von Trier ou encore à Ari Aster. Celui dont j’ai choisi de parler, fait partit de ces artistes qui ne laisse personne indifférent, j’ai nommé : Gaspard Noé. Le film sur lequel on va s’attarder se nomme : Enter The Void

Enter The Void narre l’histoire d’Oscar, un jeune vendeur de drogue et de sa sœur Linda, une strip-teaseuse.

Oscar et sa soeur dans un magasin lors d’une nuit à Tokyo.

À la suite d’une descente policière dans un bar, Oscar se fait tirer dessus et décède. Nous suivrons donc l’âme de notre protagoniste, qui elle survivra aux balles et sera l’ange-gardien de la sœur d’Oscar. Noé met en scène ici une narration construite en plusieurs éléments, il montre au début le côté psychédélique de son œuvre, en présentant un générique où le nom de l’équipe du film apparaît de manière épileptique et ce pendant une bonne minute (une minute cinquante pour être exact) Son générique nous fait l’effet d’une drogue, cette drogue qui va nous amener dans un Tokyo froid, lors d’une nuit éclairé par des néon, là où on se rendra compte que nous sommes: Oscar.

Au départ, le récit se déroulera de manière lente et/ou le spectateur sentira les effets secondaire de cette “drogue” faire son effet petit-à-petit…On vivra le délire du protagoniste et la soirée de sa mort, puis on tombera dans ces souvenirs d’enfances qui nous seront inconnus, mais familier. Un petit retour en arrière nous montrant: la relation qu’il avait avec sa sœur, sa vie lorsqu’il était vendeur de drogue, les responsabilités d’être un père qu’il n’arrivait pas à tenir, pour revenir jusqu’à sa mort. Nous revoyons la grande majorité de sa vie, s’attachons à lui et à son désir de protéger sa sœur à tout prix. Un désir qu’il perpétue même après sa mort, quand son âme va s’échapper de son corps et qu’il sera le spectre dans le monde auquel vit sa sœur, un spectateur de sa vie sans moyens d’agir. Nous allons la voir gérer le deuil, son travail et sa descente aux enfers, tout comme le faisait son frère. Elle qui y laissera sa vie et lui qui se réincarnera en une nouvelle vie, une nouvelle âme, afin de continuer à vivre et à protéger ceux qui l’entourent.

Noé à donc cette manière unique à lui de mettre en scène cette histoire (récit qu’il a lui-même écrit en 2005) Il filme le tout avec une caméra subjective, afin de rendre ce long-métrage encore plus immersif qu’il ne peut l’être. Le récit est parsemé d’effet kaléidoscopique et psychédélique, la caméra agissant comme un fantôme, se déplaçant librement et en silence de manière très fluide et prenant le temps de tout filmer.

Deux plans de la caméra subjective du film Enter The Void (2010).

Parfois on voit l’action en restant au plafond, puis on se met dans la peau d’une personne pour la voir de plus près et surtout la ressentir. La caméra change de point de vue, en restant toujours accroché à oscar. Son âme se déplace un peu partout, quand elle (son âme) se remémore, Oscar ferme les yeux et la caméra se ferme, afin de rouvrir son iris pour le suivre (Oscar) uniquement de dos comme si nous étions voyageurs de son passé. Le réalisateur ici ne nous perd aucunement, faisant des transitions de manière adéquates entre le passé du protagoniste et le moment présent. Il utilise plusieurs effets visuels, par exemple à la fin du long-métrage, on nous montre la réincarnation du protagoniste dans une autre vie, ainsi que la création de son “autre vie”. Tout cela est dévoilée de manière cru certes, mais Gaspard Noé reste avant-gardiste et amène une transition de par un jeu de lumière et une sonorité hors du commun.

Parlant donc de ce dernier: la musique. Au début, nous avons le droit à de la chanson électro, mais cette chanson se démarquera au final puisqu’elle viendra amener toute l’ambiance du film. Noé passe de l’électro à…un son, un son qui posera toute l’ambiance de ce drame, ce son règnera tout au long du film. Un son sinistre, à la fois calme et doux, mais qui malgré-tout nous donne un sentiment de froideur comme des gouttes d’eau chaude tombant dans un égout. Sinon le long-métrage se veut la plupart du temps sans musique, utilisant simplement : le bruit que la ville éjecte, des pleurs, des gémissement et des cris provenant des personnages dans le film. Vous vous demanderez, comment avoir une ambiance sans musique de fond derrière? C’est là que je vous répondrai, la couleur!

Par tout logique, nous allons finir l’analyse de Enter The Void en abordant la colorimétrie. La couleur est ce qu’il y’a de plus présent dans les oeuvres de Noé. Surtout dans ce film, où l’on retrouve encore une fois ce rouge sang qui absorbe toute l’énergie du spectateur.

Ci-gauche, une scène du film “Love” de Gaspard Noé.

C’est une couleur très utilisé par le cinéaste, que l’on retrouve dans tout sa filmographie : Que ce soit dans irréversible avec la scène de l’agression de Bellucci, où tout l’endroit est éclairé par des lumières néons d’un rougeâtre aveuglant ou encore dans le plus récent love, se joignant aux pratiques sexuelles des deux protagonistes dans un lit d’un rouge intense mais passionnel. Enter The Void lui, n’est pas laissé pour compte, cette couleur rougeâtre est présente dans une multitudes de scènes et amène parfois de la violence, comme elle met en place de l’amour ou des relations sexuelles assez explicite. Noé laisse aussi parfois place au bleu ou au vert. Ces petit mix de couleurs, permettent d’amener un mélange qui se distinct de par les scènes où Oscar se drogue.

Cet oeuvre cinématographique fait partie d’un genre que l’auteur Manny Farber décrit comme étant termite. Le cinéma termite c’est quoi me diriez-vous? Et bien, c’est un cinéma qui se veut unique en soi puisqu’il demande au réalisateur de faire preuve d’ingéniosité. Ce genre de cinéma, est souvent qualifié pour des films à petit budget, qui prennent des choix risqué et qui malgré-tout fonctionne et trouve une cohérence avec le récit et l’univers du réalisateur. Dans le cas de Gaspard Noé, on retrouve trois points qui font qu’il est une œuvre termite.

Le premier, est sa narration. Elle ne laisse pas de l’action inutile venir combler certains moments de silence, Noé laisse son récit s’exprimer par lui-même en gardant ces moments de lenteur, sans rajouter de narration inutile. C’est voulu! Le cinéaste ne cherche pas à divertir le spectateur, en remplaçant le vide par du papier mâché, il laisse ses dialogues et son histoire se dérouler du début à la fin comme de l’eau douce, qui ne demande pas à avoir un certain goût, mais à ce qu’on ressente le bien qu’il fournit, quitte à ce que cela ne goute pas grand-chose.

Par la suite, Enter The Void contient certains moments qui peuvent venir frôler le ridicule, mais qui malgré-tout trouve une corrélation avec le récit. Pour donner un exemple, à la toute fin du long-métrage, on aperçoit un couple avoir une relation sexuelle. La caméra, reste toujours flou, cependant elle prend plusieurs angles avant de venir les filmer de proche et de s’aventurer dans le sexe féminin, pour montrer l’action du membre masculin à l’intérieur de celle-ci. L’action du sexe est fait grâce à un logiciel d’ordinateur et c’est voyant. Cette scène à mal vieilli et elle peut même faire venir hausser les sourcils! On a l’impression qu’on se moque de nous, en nous présentant une grande œuvre avec une fin qui elle se veut au bord de la loufoquerie, mais qui concorde avec l’univers du réalisateur. Il y’a d’autres moment comme cela, par exemple, en restant toujours vers les dernières minutes du long métrage, on peut voir des spermatozoïdes essayant de trouver leur chemin. L’un d’entre-eux est filmé de manière subjective, afin de nous montrer que c’est Oscar et…c’est totalement cohérent avec le récit! Cela amène même tout un sens a l’oeuvre du réalisateur au final.

Pour venir rajouter, je comparerai Enter The Void à La Haine de Mathieu Kassovitz.

Film Information | Picturehouse Cinemas
Scène du film La haine, réalisé par Mathieu Kassovitz

Ces deux films dresse un portait sur un monde qui entoure nos protagoniste, eux-mêmes se posent des questions et on les suit dans un deuil qui font à une France ravagé par une image clichés et raciste des banlieues. Dans les deux films, il y’a une vrai recherche esthétique derrière plusieurs plans Par exemple, nous noterons le célèbre plan vertigo dans La haine (ci-gauche) comme les différents angles de vues des plans subjectifs de Enter The Void (ci-dessous) Les deux sont d’une brillance artistique, laissant parler le vide sans mettre de trop plein.

Pour finir, Enter The Void est bel et bien un film termite, qui avec le temps se verra devenir un des grands classiques du cinéaste français. Noé à son univers, sa maîtrise et son art avec lui, pour le reste, c’est à nous de le faire exister et de montrer que le cinéma dont Manny Farber revendiquait, vaut toujours la peine d’être vu et créer parce qu’au final le cinéma c’est fait pour ça non? Entrer dans un monde vide, que l’iris d’une caméra à conçu pour nous, afin de le faire vivre de par notre iris à nous.

Linda lorsqu’elle se fait surveille par oscar.